La souffrance est une blessure que l'on peut très bien ne pas enregistrer. Une blessure enregistrée dans la mémoire devient une violence subie, un traumatisme. Les traumatismes agissent ensuite comme des peurs que l'on cherche à fuir. Ainsi, on accumule toutes sortes d'angoisses et l'espace vital interne s'en trouve limité. Mais pourquoi consigner une douleur et la laisser à portée de vue, telle un dossier ouvert sur un bureau ? Pourquoi entretenir le souvenir de la souffrance en soi et y donner de la continuité dans le temps ?
Prenons un exemple tragique. Disons que ma conjointe décède dans un violent accident. Une fois la mesure de l'événement prise, et le choc émotionnel lié à la disparition soudaine atténué, comment vais-je accueillir ce fait ? Comment réagir quand on a accepté le vide provoqué par la disparition, et la compréhension de l'irréversibilité du drame ? On a pour habitude de parler de deuil, mais qu'est-ce que cela veut dire au juste ? Faire son deuil veut dire accepter l'état de fait n'est-ce pas ?
L'individu peine à dépasser sa situation intérieure de souffrance engendrée par la disparition soudaine d’une relation proche. Il a tendance à donner de l'importance à sa souffrance car il déplore le vide intérieur et la perte de plaisirs que jadis cette personne lui procurait. C'est en vérité sur lui-même qu'il s'apitoie. Il est plutôt question de pendre en pitié sa propre souffrance. La prière fonctionne de la même manière.
Quand on constate tout cela attentivement, sans condamner, sans justifier ni culpabiliser, la douleur n'est plus de même nature ; elle s'est transformée. Elle a laissé place à une énergie passionnée, naît de la souffrance, mais qui n'est plus une douleur.
Comments